Perséphone de Benjamin Carteret

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Mon avis

Cette réécriture est purement féministe. L’auteur a pris le parti des déesses face à un Zeus misogyne qui a tendance à faire de l’abus de pouvoir. Coré est la fille de Déméter et de Zeus avant que celui-ci décide d’épouser Héra. Il viole sa sœur, Déméter. Il en résulte la petite Coré, la prunelle des yeux de sa mère. Déméter est complètement sous le charme de Coré. Elle est loin de l’image que j’en avais. Elle n’est pas étouffante. 

Petite, mon grand-père me racontait l’histoire de la mythologie grecque et l’odyssée homérique avant de dormir. J’avais retenu que Déméter avait tellement peur pour sa fille qu’elle l’avait mise en cage. Benjamin Carteret ne parle pas du tout de cet épisode. Déméter est patiente avec sa fille bien que celle-ci soit la fille de Zeus et de la déesse de la fertilité. Elle n’a pas encore ses pouvoirs. Relégué à régner sur terre loin du mont Olympe. Coré évolue loin des autres dieux et de leur compétition perpétuelle et de leur hypocrisie. Son absence de pouvoir n’est pas gênante à part aux réunions familiales. Chacun attend que son pouvoir se manifeste, mais rien. Les années passent puis les siècles. Si Déméter désespère un peu. Son amour pour sa fille est inchangé. 

Déméter n’est pas seulement bienveillante envers sa fille, mais aussi envers les humains. Elle leur apprend à cultiver les fruits de la terre. Elle les aide à subvenir à leur besoin, mais aussi à lancer leur commerce. À ses côtés, ils conquièrent leur indépendance, deviennent sédentaires et héritent des cités. 

Zeus, dans sa tyrannie, empêche des déesses comme Perséphone de rendre grâce à la terre et surtout de parler dans leur langue, car seul le ciel existe. Pourtant, cet équilibre est précaire. 

Quand Coré aura ses pouvoirs rejoindra-t-elle le camp du ciel comme son père ou celui de la terre comme sa mère ? Supportera-t-elle de régner sur les humains comme des pantins ou comme sa mère cherchera-t-elle à être au plus près de ses fidèles ? 

Benjamin Carteret n’y va pas de main morte. Les Dieux sont égoïstes et Zeus est un macho de première catégorie. Son portrait n’est pas très flatteur. L’auteur nous offre une analyse d’une relation mère-fille aussi fusionnelle que dysfonctionnelle. Elle met du temps à prendre le bon pli. C’est beau, mais j’avoue que Perséphone est très pacifiste avec sa mère encore plus. C’est une jeune femme posée, mais décidée. Cependant, si Benjamin fait un vrai travail d’ambiance, les dialogues en pâtissent un peu, les émotions sont plus émoussées. Les dialogues sont aussi une force, l’auteur a choisi un vocabulaire plus recherché et avec des notes d’anciens et qui font office de vérité directrice. 

En résumé

Cette réécriture a été une belle découverte. Le point de vue est féministe, comme quoi un auteur est masculin peut être un bon défenseur de la déesse. La relation entre Perséphone et Déméter est aboutie, mais elle manque de panache et d’éclat, même si la cohabitation entre les Dieux amène bien des tensions. Cela rééquilibre l’histoire. 

Note

Citation

« La porte de la chambre s’ouvre. Aïdoneus revient. Que vais-je lui dire ? Il s’assoit sur le bord du lit, encore nu de notre nuit. Il vient toucher en plusieurs endroits la masse informe des draps dans lesquels je me suis enroulée pour deviner de quel côté je me trouve. De l’intérieur, je ne distingue qu’une forme aux contours flous dont je peux sentir toute l’inquiétude traverser la membrane des draps.
— Comment te sens-tu, Perséphone ? lance-t-il de sa voix pleine d’empathie.
D’un geste du bras, je repousse la montagne et émerge, barbouillée. Comme chaque matin, il me regarde comme au premier jour, au bord de la source.
— Tu n’as jamais été aussi belle, me dit-il dans un souffle.
Je souris et viens me blottir contre lui. Son silence est plein de questions. Aïdoneus bout de me demander ce qui se passe. Je ne le fais pas attendre plus longtemps. Nous aviserons ensemble, c’est ce que nous faisons désormais. »

Extrait de 
Perséphone
Benjamin Carteret
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