
Fragment en guise de mise en bouche :
Ce cri du cœur fit rendre les armes à Séverine.
«Vous êtes donc bien malheureux ?
– Je suis déchiré à l’idée que vous me retiriez votre amitié.
– Et pourquoi vous la retirerais-je?
– Peut-être… parce que j’appartiens moi aussi à cette race maudite ?
– Mon Dieu, Baptiste, laissez ces anathèmes à la femme Langlois, qui n’a pas d’autre consolation. Je vous plaindrai si vous souffrez. Mais pourquoi vous mépriserais-je?– Parce que la société flétrit les hommes comme moi ? La société n’a pas toujours raison, j’en sais quelque chose.»
Mon avis :
L’histoire a mis du temps à démarrer. La plume était belle. Les phrases coulaient de source, mais je n’étais pas dedans. Ensuite, soit je me suis habituée, soit le style s’est un peu épuré, et j’ai pu plonger dans le récit. À travers le point de vue du jeune Baptiste, la(e) lectrice(eur) découvre un mystérieux château et ses habitants.
Baptiste est employé chez un notaire. Celui-ci lui a confié une tâche : faire l’inventaire de la fortune de Madame la Baronne pour son testament. Il est convié à séjourner au château d’Escreuil. La tâche qui l’attend est titanesque. Il y a des pièces et des pièces de valeur à trier, évaluer, inventorier et ranger. Cependant, il est tourmenté, il est au château depuis plusieurs jours, et toujours aucun signe de la baronne. Quand il demande une entrevue avec la baronne, le personnel du château lui répond qu’elle est trop fatiguée ou pas en état. Mais que se passe-t-il ? Baptiste devient soupçonneux d’autant plus qu’il a surpris des messes basses échangées entre deux membres du personnel. Ils complotent pour se débarrasser de la baronne. Qui sont-ils ? Le mystérieux Langlois et son amante Séverine ? Langlois et sa femme ? La femme de Langlois et le jardinier ? Ont-ils tué la Dame d’Escreuil ? Qui est le bénéficiaire du testament ? Les questions se bousculent. L’attitude des différents protagonistes n’aide pas notre jeune notaire. Baptiste les soupçonne tous, tour à tour : l’intendant, le jardinier, la femme de chambre. Ils font tous de bons suspects. Baptiste tente de poser des questions. Il tourne autour du pot. Il craint d’être le prochain à disparaître. Comme lui, la(e) lectrice(eur) est mu(e) par l’envie de connaître les secrets ainsi que l’identité de la mystérieuse baronne.
Baptiste est attachant. Il ne souhaite qu’une chose : être accepté. Sa vie personnelle en fait les frais. Il s’est fiancé pour rentrer dans le moule, car au XIXe siècle, un homme célibataire, ne s’intéressant pas aux femmes, fait tache. Sa fiancée est une fille simple. Elle remplira parfaitement le rôle d’épouse. Cependant, il n’y a pas de passion. Cela semble n’être qu’un détail pour Baptiste. Il profite de cette parenthèse pour revenir à l’essentiel. Qu’est-ce qui a vraiment de l’importance : le regard des autres ou le bonheur ? Pour l’un comme pour l’autre, il faut saisir son courage à deux mains, et assumer ses choix. Finalement, cette mission est l’occasion pour Gabriel : de grandir, de s’assumer et de se poser les bonnes questions.
Ce roman est construit comme un thriller. L’histoire dépasse la simple disparition ou le meurtre. L’auteur nous pousse à fouiller. La communication semble être le maître mot. L’absence de la baronne est une excuse pour démontrer la complexité des relations humaines.
À travers Baptiste, l’auteur pousse son auditoire à s’interroger. Certes, l’histoire a lieu au XIXe siècle, mais le paraître est toujours important. La seule différence, c’est que notre société se veut plus ouverte, mais l’est-elle réellement ? Pourtant, les questions d’identité de genre continuent nous déranger. Aujourd’hui, les membres des communités LGBT+ sont mieux intégrées, mais ils continuent de faire face à la défiance et au rejet. Certains pourraient être tentés de se cacher pour être tranquilles. Ce roman interroge et j’adore ça.
L’auteur construit l’ambiance autour du château et de ses personnages. Ils ont de nombreux coins et recoins, des zones d’ombres et une certaine mélancolie. J’ai eu des difficultés avec le style de l’auteur. Le cadre et les illustrations donnent le ton. Ils contribuent à une intrigue hors du temps et hors de tout. C’est l’occasion de briser les chaînes du socialement correct, car la société n’est pas là pour juger.
La fiction historique est peu présente. Elle a son importance dans le dénouement. L’Histoire justifie les choix de vie de Baptiste. Et elle a plus d’implication dans l’intrigue qu’on le croit.
En résumé, la(e) lectrice(eur) évolue au cœur d’un décor médiéval. Ce château gothique renforce le mystère et la mélancolie. La plume de l’auteur est belle, imagée malgré quelques petites longueurs. Une petite mise en garde : les apparences sont trompeuses. L’auteur y voit d’ailleurs l’occasion d’y glisser une critique sociale. Le paraître est important, tellement qu’il maintient à distance les autres ainsi que le bonheur.
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J’attendais ton retour 😉 Je l’ajoute à ma liste d’envies !
Il me semblait effectivement qu’il intéressait quelqu’un • tant mieux ! Heureusement je l’ai eu en service presse sinon je serais passée à côté
Très belle chronique ! cela me donne vraiment envie de lire ce livre 🙂
Bonne journée !
Merci beaucoup pour le compliment… L’auteur l’a trouvé à son goût aussi !