Première page #92

Cher.e.s voyageur.e.s,

Je partage avec vous le première page d’une de mes lectures passées Au pays des eucalyptus de Elizabeth Haran. Il s’agit de la première page de la version numérique.

Londres, 1910

Tilden Shelby, tenant toujours la lettre dont il venait de prendre connaissance, ouvrit la fenêtre de son étroit bureau situé au premier étage d’un immeuble. Dans la fraîcheur de cette matinée d’automne, un petit nuage de fumée s’exhalait de sa bouche tandis qu’il contemplait les allées et venues habituelles sur Oxford Street. Mais, plongé dans ses pensées qui le transportaient à des milliers de kilomètres de là, il entendait à peine les pas des badauds qui se pressaient sur le pavé sale et mouillé. Il fallut les vociférations d’un cocher manœuvrant un élégant attelage le long du trottoir pour que l’attention de Tilden fût attirée par la scène en train de se jouer en contrebas.

Au beau milieu de l’effervescence londonienne, l’esprit de Tilden avait vagabondé jusque dans l’outbackaustralien, dont il ne savait pas grand-chose. Il avait été d’autant plus transporté par les détails que livrait l’expéditeur : les immenses espaces, le ciel bleu profond, la chaleur accablante, les périodes de sécheresse, qui pouvaient s’étendre sur plusieurs années ; et la solitude, dont ils étaient peu nombreux à s’accommoder…

— Oh, ce n’est pas vrai ! gémit-il soudain en reconnaissant la silhouette qui descendait d’un fiacre.

En effet, difficile de ne pas remarquer Nola Grayson, qui dépassait d’une tête la plupart des autres femmes. Même si la grâce avec laquelle elle se mouvait n’était pas affectée, Tilden ne pouvait s’empêcher de trouver un air hautain à cette institutrice de profession, qui ne gardait jamais une place plus de quelques semaines.

Assailli d’un mauvais pressentiment, comme à chacune de ses visites, Tilden la suivait du regard avec angoisse lorsque, soudain, un jeune monsieur monta sur le trottoir et lui barra la route. Tilden ne bougea pas de la fenêtre, intrigué par le comportement de cet homme appartenant visiblement à la noblesse. Même à cette distance, il remarqua son col de chemise élégant et sa redingote à la coupe raffinée – une belle tenue que venaient compléter une canne plaquée or et un chapeau haut-de-forme en soie. Non loin de là, un domestique patientait près de la porte ouverte d’une calèche en bois verni, à laquelle étaient attelés des chevaux parés de plumes dorées. Nola voulut poursuivre son chemin, mais le jeune homme lui adressa de nouveau la parole. Il parut même l’implorer de l’écouter, ce qui ne fit qu’ajouter à la perplexité de Tilden. Ce pauvre diable avait-il perdu la raison ?

Tilden tendit l’oreille pour épier la discussion entre Nola et son interlocuteur distingué, sans succès, leurs voix se perdant dans le bruit ambiant. Quelques instants plus tard, la jeune femme se dégagea et s’engouffra dans l’entrée de l’immeuble. Le jeune homme la suivit du regard puis, la mine affligée, regagna son véhicule.

Bonne lecture 😀

Laisser un commentaire

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.

%d blogueurs aiment cette page :