
Fragment de livre en guise de mise en bouche :
« Genre : « Mine de rien, on incite les gens à donner, on est cool, hein ! »
— Cling !
On se regarde et on éclate de rire. Je crois que c’est la première fois depuis le début de l’été, depuis qu’il s’est passé ce qui s’est passé (périphrase obligée dès lors qu’on ne peut pas prononcer le nom de ce qui s’est passé). On éclate de rire et notre connivence se glisse dans les yeux, dans les gloussements et dans le poids du sac.
— On a vraiment enlevé tout le superflu ? râle Cassandra.
— Non, mais tu rigoles, on est parties depuis cinq minutes, et tu te plains déjà ? Tu as droit à trois soupirs dans la journée, pas plus. Sinon, ça va devenir infernal. Donc : un.
— N’importe quoi ! Je peux quand même donner mon avis, non ? »
Mon avis :
Cassandra et Laly sont cousines, mais surtout meilleures amies pour la vie. Vous savez, ces amies qui se disent tout, sans tabou… enfin, c’est ce qu’elles croient. Elles habitent dans deux régions différentes, mais la distance, elle, les éloigne. Elles se retrouvent chez leur mamie pendant les vacances, chez l’une, chez l’autre, et au téléphone. Elles sont comme les deux faces d’une même médaille.
Laly est bonne à l’école, dans la moyenne normale, tandis que Cass est excellente. Le bac approche. Laly sait qu’elle aura la moyenne, mais rien d’exceptionnel. Par contre, elle est sûre que Cass va tout déchirer. Et là, c’est le drame. Cass n’a pas tout déchiré : des délinquants l’ont violée dans le train qui la conduisait à son épreuve de philosophie. Aucune chance dans ces conditions de réussir brillamment.
Entre l’épreuve et le dépôt de plainte au commissariat, Cass s’est tue. Laly est bien sûr au courant, mais elle n’a pas eu Cass au téléphone depuis. Elle se demande comment l’épauler. Que dire dans ces cas-là ? Depuis que ses parents lui ont parlé du viol de sa cousine, Laly se questionne : pourquoi personne n’ose-t-il dire le mot « viol » ? Oui, il a été prononcé une fois, mais depuis tout le monde évite le sujet, pourtant il est présent dans les silences. Le tabou s’installe. Ce genre d’événement marque une vie, et celles des proches. Laly avait l’impression que sa vie était tranquille, mais soudain, pop, ses illusions se sont envolées. Elle est parachutée dans le monde des grands. Et Cassandra ?
Toutes les deux avaient un projet : l’année du bac devait être le tournant, l’occasion de faire quelque chose d’un peu fou avant de devenir adultes. Elles rêvaient de jouer les saltimbanques : Laly à la guitare, Cass au micro. Elles avaient tout préparé — leur répertoire, le financement — et surtout, elles avaient convaincu leurs parents. Mais après le viol de Cass, tout tombe à l’eau. Laly ne peut s’empêcher d’être déçue et de se sentir coupable. Coupable et égoïste : il faut penser à Cass. Elles pourront partir en voyage l’année prochaine ou pas. Laly est prête à toutes les concessions. Elle veut être là, même si elle ne sait pas comment. Elle m’a touchée par sa douceur, son attention et sa maturité.
Quand Cass décide de voyager et de poursuivre leur projet Jukebox, Laly se réjouit, mais le regard fermé de sa cousine la fait frémir.
Ce voyage sera-t-il une réussite ? Quelle est cette distance qui s’invite dans leur relation ? Que pense Cass ? Que ressent-elle ? Laly est perdue. Elle arrivait à déchiffrer Cass, mais là, on dirait qu’elle a perdu son dictionnaire.
Au cours de leur voyage, elles feront de belles rencontres, et d’autres moins. Une petite mamie, par exemple, leur tend la main sans les connaître. Elle partage un bon repas et sa bonté. Ce geste m’a émue.
Le lecteur découvre l’histoire de Cass à travers les yeux et les émotions de Laly. C’est d’autant plus touchant que Laly est toute en émotion. Elle bouillonne, a envie de questionner sa cousine, mais se retient. Je me suis appropriée ses émotions, j’étais désemparée. Quels mots justes choisir ? Doit-on en parler ou attendre que l’autre s’exprime ? Quelle conduite adopter ? L’auteure réussit à nous impliquer pleinement.
Elle aborde le viol avec franchise, sans violence ni gore, et se concentre sur l’après : le chemin de la reconstruction. Une route ardue. L’auteure est impliquée et engagée, cela se ressent dans son récit. Le voyage de Laly et Cass est une métaphore : la musique jalonne ce parcours, souligne les émotions et apporte un peu de douceur, car ce n’est pas une lecture facile.





Très envie de lire ce roman !!
Oui c’est tout à fait ça. Il a sonné tellement juste.
Ravi de voir que malgré la dureté du sujet abordé sans non-dits et justesse, tu sembles avoir vécu un joli et puissant moment en compagnie de l’auteure et de ses héroïnes.